page précédente | sommaire Résumé











Le système d?enseignement supérieur français, miroir de la complexité de la société, a su, pour l?essentiel, répondre à la croissance très rapide de la demande d?éducation du pays. Cependant, même s?il ne peut être tenu pour responsable des lacunes de l?enseignement secondaire, il est devenu, avec le temps, confus, bureaucratique et inégalitaire : un enfant scolarisé en primaire dans une banlieue défavorisée n?a pratiquement plus aucune chance d?accéder à une très grande école. Si une telle évolution se poursuivait, une part importante de la population ne pourrait plus rejoindre les élites du pays ; les conséquences pour l?unité nationale en seraient très graves.

Confronté à la révolution des technologies de l?information et des conditions de travail, à la diversification des trajectoires professionnelles, aux exigences de la formation en permanence, au bouleversement des savoirs et de la façon d?apprendre, à la mutation des relations entre l?Etat, les entreprises et la société, à l?unification européenne, l?enseignement supérieur doit revoir d?urgence ses objectifs et simplifier son organisation. Ces réformes déterminent l?élévation du niveau de qualification des Français, dont dépend le niveau de vie de la France.

A la différence de la situation qui prévalait il y a peu encore, la première mission des universités et des grandes écoles n?est plus le recrutement des cadres de l?Etat, qui n?est plus au centre de la vie économique et industrielle, mais de servir les étudiants, de donner à chacun d?eux, quel que soit son milieu d?origine, toutes les chances de trouver son domaine d?excellence, de se préparer aux métiers d?après-demain et de faire progresser le savoir.

Tout étudiant devra être assuré de pouvoir quitter l?enseignement supérieur avec un diplôme à valeur professionnelle, s?il est prêt à accomplir les efforts nécessaires pour en obtenir un. De plus, chacun devra pouvoir revenir vers l?université tout au long de sa vie, après un premier diplôme, pour atteindre, s?il le mérite, un niveau équivalent au moins à Bac+3.

Les établissements d?enseignement supérieur devront former un système plus homogène, dans des ensembles géographiquement cohérents, mettant en commun leurs moyens et disposant d?une réelle autonomie. En contrepartie, ils devront faire l?objet d?une évaluation plus systématique, plus ouverte, plus créatrice de droits et de devoirs.

La préparation à la vie professionnelle doit devenir l?un des axes majeurs du projet pédagogique de tout établissement d?enseignement supérieur. Sans que soient supprimés les actuels diplômes professionnels d?une durée de deux ans, les niveaux pertinents de sortie seront à trois ans, avec la licence, après des études menées principalement en groupes à effectifs réduits ; à cinq ans avec une Nouvelle Maîtrise faite d?enseignement, de stages et de recherche ; et à huit ans avec le doctorat, ouvrant particulièrement la voie aux carrières de l?enseignement supérieur, de la recherche et aux grands corps de l?Etat (qui ne seront plus réservés aux élèves des grandes écoles). Ces niveaux de qualification nouveaux devront être reconnus et valorisés dans les conventions collectives. Le statut des enseignants devra être amendé pour leur permettre plus de mobilité et en particulier de participer à la création d?entreprises innovantes fondées sur le résultat de leurs recherches, sans nécessairement devoir abandonner définitivement leur statut de fonctionnaire. Les grandes écoles devront, pour continuer de former un vivier de très haut niveau, développer leurs activités de recherche et s?ouvrir davantage aux étudiants venus de l?enseignement technique et de l?étranger. Aucun cursus ne se terminera plus par une impasse. La formation continue devra devenir une règle absolument générale. L?élévation du niveau de qualification des Français doit devenir le principal objectif d?une politique économique et sociale de la France.

Pour que l?enseignement supérieur français conserve ainsi une place de premier plan dans la compétition mondiale, la nation devra lui consacrer des moyens croissants et mieux utilisés. Elle devra aussi identifier les domaines, aussi nombreux que possible, dans lesquels le système de recherche français peut et doit rester au tout premier rang mondial et leur donner tous les moyens de s?épanouir. Simultanément, il faudra s?assurer que les réformes préconisées ici soient harmonisées avec celles que commencent à entreprendre, dans des directions voisines, les autres pays d?Europe. Cela pourrait être, à l?initiative de la France, un des grands chantiers de l?Union européenne pour la prochaine décennie.

Si ce rapport, après d?autres, était relégué sur quelque étagère, si une réforme majeure de l?enseignement supérieur n?était pas entreprise rapidement et durablement, le pays perdrait toute chance d?utiliser au mieux le formidable potentiel de sa jeunesse et, peu à peu, glisserait sur la pente d?un irréversible déclin.

Ces propositions devront être longuement expliquées et débattues pour devenir, au-delà de tout clivage politique, une priorité, une urgence, une évidence nationale.
 
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