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III - UNE RÉFORME URGENTE DES CURSUS

A) Dans les universités : le 3 / 5 ou 8

Au vu de ce qui précède, le découpage actuel de l?enseignement universitaire en trois cycles n?a plus de sens : il ne permet pas de dégager des niveaux scientifiquement et professionnellement adéquats, de servir les objectifs dégagés plus haut ni d?assurer la meilleure harmonisation entre universités et grandes écoles.

Deux principes seront essentiels :

- Aucun cursus ne doit déboucher sur une impasse.

- Tout nouveau diplôme devra obtenir sa reconnaissance dans les négociations collectives.

On devra aller vers des cursus plus clairs, mettant l?accent sur les meilleurs diplômes, et par ailleurs conformes à ce qui se dessine dans d?autres pays du continent.

La distinction centrale sera entre deux niveaux de qualification, sanctionnés l?un et l?autre par de véritables diplômes professionnels : l?un à trois ans ; l?autre à cinq ou huit ans (3 / 5 ou 8).

Cette réforme n?aura pas pour effet d?introduire des rigidités supplémentaires ni d?allonger les études, mais au contraire de simplifier les cursus et d?organiser des niveaux de référence facilitant l?insertion professionnelle.

Le premier niveau sera la licence. Ni le DEUG ni les classes préparatoires ne correspondant à un réel niveau de sortie professionnel, Bac + 3 est le premier niveau le plus judicieux.

Le second niveau conduira les étudiants admis à la licence et désireux de poursuivre des études à s?engager soit dans une "Nouvelle maîtrise" (formation de deux ans à vocation professionnelle), soit dans un doctorat, pour une période de cinq années qui débouchera sur une thèse.

Un tel dispositif permettra d?ouvrir des passerelles entre universités et écoles et d?intégrer, dans la formation des élèves ingénieurs, l?innovation et la recherche.

1. Le premier niveau : la Licence

Le premier niveau qualifiant, d?une durée moyenne de trois ans (ou six semestres) - mais qui pourra être accompli plus vite - conduira à la licence, qui deviendra un diplôme à la fois général et professionnel.

Ce diplôme visera à développer la curiosité de l?étudiant, tout en lui assurant une réelle formation professionnelle. Sa mission sera de déceler non seulement les capacités d?apprendre mais aussi les capacités de créer. Chaque étudiant pourra déterminer, en fonction de ses impératifs propres et de ses capacités, la façon la plus adéquate d?y parvenir. Fondée sur un système très flexible d?unités de valeur capitalisables par semestre, la licence pourra être interrompue à tout moment sans que soit perdu le bénéfice des semestres déjà validés. L?étudiant aura donc la possibilité - exclue de fait aujourd?hui par l?obligation d?obtenir le DEUG en trois ans au maximum - de reprendre des études après quelques mois, voire quelques années, d?interruption.

Le premier semestre sera une véritable plate-forme d?orientation, laissant le droit à plusieurs choix, les réorientations n?étant pas stigmatisées comme des échecs.

Au terme de ce premier semestre, l?étudiant choisira un champ disciplinaire de spécialisation, dans lequel il suivra un nombre déterminé d?enseignements obligatoires sans abandonner pour autant l?étude, nécessairement moins approfondie, d?autres champs disciplinaires. Les enseignements spécialisés seront davantage centrés sur des objets concrets d?études, avec dans certains domaines un recours plus fréquent à des professeurs associés issus du monde de l?entreprise.

Pendant ces trois années, les étudiants seront systématiquement répartis en petits groupes, au sein desquels des enseignants devront apporter une aide méthodologique. On introduira ainsi dans l?ensemble des établissements d?enseignement supérieur les conditions de travail jusqu?à présent réservées aux classes préparatoires aux grandes écoles. Quelques cours magistraux mettront les étudiants qui entament leur formation supérieure en contact avec des maîtres reconnus du champ disciplinaire. De surcroît, des professeurs agrégés du secondaire, qui conserveront par ailleurs une partie de leur charge d?enseignement dans les lycées, seront habilités à participer à la formation dans ce premier niveau. Ils faciliteront, pour les étudiants, la transition entre enseignements secondaire et supérieur.

La troisième année sera plus fortement marquée par une orientation professionnelle généraliste ou technologique (avec notamment la possibilité d?un stage en entreprise).

Au total, le titulaire de la licence acquerra un corpus de connaissances de base et une capacité d?analyse et de questionnement professionnellement utilisable. Les conventions collectives devront reconnaître la valeur de ce diplôme.

Cette individualisation des parcours permettra, sans allonger la durée réelle des études, de garantir une formation qualifiante à tous. Plus aucun étudiant ne pourra ainsi quitter l?université, comme c?est trop souvent le cas aujourd?hui, à l?issue de deux ou trois ans d?études, sans avoir fait valider les enseignements qu?il y aura suivis avec succès.

Cette réforme ne conduira pas à supprimer les diplômes aujourd?hui délivrés à Bac+2. En particulier, les DUT et les BTS, qui ont su attirer de nombreux étudiants, pour une large part issus des milieux les moins favorisés, et trouver (dans le secteur secondaire, au moins) une réelle légitimité aux yeux des employeurs, seront maintenus. Ils trouveront très logiquement leur place dans la nouvelle architecture des cursus d?enseignement supérieur à finalité professionnelle.

A leur formation concentrée aujourd?hui sur deux ans s?ajoutera à une année supplémentaire, avec un diplôme nouveau, destinée à permettre aux étudiants d?acquérir une expérience professionnelle plus approfondie et une meilleure connaissance de l?entreprise, par une formation en alternance, comportant un passage de durée significative dans une entreprise.

L?entreprise pourra, si cela se révèle justifié, imputer sur ce type de charge une partie de la taxe d?apprentissage qu?elle doit normalement acquitter.

Les formations de techniciens du secteur tertiaire, dont les débouchés sont plus incertains, devront voir leurs programmes d?enseignement refondus, et retireront un bénéfice plus net encore que les autres de l?introduction d?une formule d?alternance.

Les titulaires du DUT ou du BTS devront pouvoir rejoindre les autres cursus universitaires plus facilement qu?aujourd?hui sur dossier, avec une gamme de choix élargie dont l?articulation avec les IUP devra être assurée.

2. Un deuxième niveau : La Nouvelle Maîtrise ou le Doctorat

Tout étudiant ayant obtenu la licence aura le choix entre commencer immédiatement une carrière professionnelle, entrer en Nouvelle Maîtrise ou entrer en doctorat. Il pourra aussi décider de faire l?un puis l?autre : aucun cursus ne constituera une impasse.

a) La Nouvelle Maîtrise (Bac + 5)

La Nouvelle Maîtrise sera accessible sans sélection à tout étudiant ayant obtenu une licence. Elle aura deux vocations bien distinctes : préparer son titulaire à accéder à des fonctions de responsabilité dans le secteur privé ou public, ou l?aider à devenir enseignant et chercheur, et donc à s?engager en formation doctorale. Elle ne sera pas la pure et simple continuation des études du premier niveau, mais elle constituera une période de spécialisation plus marquée par l?approfondissement d?un champ disciplinaire, voire de plusieurs étroitement liés, déjà abordés en cycle de licence.

Certaines Nouvelles Maîtrises seront très liées à la recherche, d?autres conduiront à des études à l?orientation professionnelle plus marquée. Elles pourront, le cas échéant, être abordées après un passage de quelques années dans le monde du travail. Certaines pourront même poser comme condition à l?admission l?obligation d?avoir passé préalablement quelques années dans une entreprise.

La Nouvelle Maîtrise sera préparée en deux ans (six mois d?études, six mois de stage et un an de recherche ou d?études complémentaire).

Les stages pourront être divisés en plusieurs périodes. Ils ne seront pas nécessairement accomplis dans une entreprise mais aussi dans un centre de recherche. Le stage doit être une formation et non un apprentissage. Les entreprises devront assurer l?encadrement pédagogique d?étudiants dont elles seront ultérieurement les principales bénéficiaires. Comme on ne peut sans doute espérer plus qu?un doublement du nombre des stages d?ingénieurs, tels qu?ils se pratiquent à l?heure actuelle, il faudra donc vraisemblablement concevoir pour les maîtrises de ces champs disciplinaires des stages de types nouveaux, s?apparentant par exemple aux formules pratiquées aujourd?hui dans quelques grandes écoles de commerce. Certains cursus ne les exigeront pas.

La deuxième année sera consacrée soit à la recherche, soit à une formation complémentaire dans des matières décisives pour l?insertion dans une entreprise mais étrangères à la spécialisation originelle de l?étudiant (par exemple le droit ou la comptabilité pour des étudiants scientifiques).

Un cursus particulier de Nouvelle Maîtrise sera réservé aux étudiants se destinant à l?enseignement dans le secondaire et désireux, à cette fin, de préparer le concours d?agrégation dans les mêmes conditions qu?aujourd?hui : les deux ans de leur Nouvelle Maîtrise se répartiront en un an de recherche (sur le modèle actuel des maîtrises en lettres ou en sciences humaines) et un an de préparation proprement dite du concours.

De plus, des études détaillées devront établir le sort à réserver dans ces nouveaux cursus aux multiples diplômes à Bac + 4, (tels les MSG, les MST) qui pourront être préservés s?ils constituent des acquis de la professionnalisation de l?enseignement supérieur et des étapes intermédiaires dans la formation des Nouvelles Maîtrises.

b) Le Doctorat

Une fraction limitée des titulaires de la licence s?engagera dans une voie spécifiquement centrée sur la recherche, en vue de la rédaction d?une thèse.

La première année de ce cursus de cinq ans permettra à l?étudiant de parfaire sa culture scientifique tout en différant le moment de la véritable spécialisation. Elle comprendra six mois de formation pluridisciplinaire, ne portant pas sur une unique discipline mais sur un ensemble de matières apparentées (telles que, par exemple, la chimie organique, la chimie minérale, la physique quantique, la matière condensée, etc.), complétés par six mois de stage de recherche.

La deuxième année sera divisée en six mois de formation plus spécialisée (l?étudiant disposant cette fois de suffisamment d?éléments pour procéder au choix averti d?un sujet de thèse), et six mois de début de recherche. A l?issue de cette année, l?étudiant passera, s?il le souhaite, les examens nécessaires à l?obtention de la Nouvelle Maîtrise.

Les trois années restantes seront entièrement consacrées à la réalisation du travail de recherche et à la rédaction de la thèse. Les étudiants se verront alors proposer, comme c?est déjà le cas dans certaines Ecoles Doctorales, des formations complémentaires, dans les universités ou les grandes écoles. Une osmose plus grande entre cours et recherche sera assurée dans le cadre des Ecoles Doctorales. Idéalement, nul ne pourra obtenir un doctorat sans justifier d?au moins six mois d?études ou de recherche à l?étranger, pourvu que ce séjour ne soit pas laissé à la charge financière de l?étudiant.

La principale différence avec le cursus actuel de préparation de la thèse se situera dans les quatrième et cinquième années d?études après le bac, intégrant la recherche plus tôt dans le cursus.

L?université conservera - et, là où c?est nécessaire retrouvera - le monopole de la délivrance de ses propres diplômes et en particulier du doctorat.

Les étudiants lancés dans les cursus actuels devront se voir garantir les mêmes débouchés que dans le modèle nouveau proposé ici. De plus, il faudra inclure ces réformes dans le contexte d?une véritable concertation européenne sur les cursus, qui devra en particulier impliquer les autorités universitaires et les Conférences Européennes des Recteurs ou des Présidents.

3. La formation en permanence : un univers à conquérir

Les établissements d?enseignement supérieur doivent devenir ou redevenir des centres à part entière de formation continue. Pour cela ils devront faire connaître leur offre de formation et en débattre avec les entreprises. Ils pourront proposer des parcours de formation en permanence permettant l?acquisition de véritables diplômes universitaires, normalement délivrés uniquement dans le cadre de la formation initiale, au besoin en développant les formules de validation des acquis professionnels après négociation avec les partenaires sociaux. Cette formation en permanence ne sera pas seulement une actualisation des savoirs mais aussi l?incursion dans des domaines neufs.

Les personnels enseignants de l?université, - et non de simples vacataires - participeront à cette formation en permanence, à l?intérieur de leurs obligations de service. Ces formations seront évaluées par l?ASE.

La formation dans les universités doit enfin être ouverte aussi aux retraités, au delà des actuelles "universités du troisième âge".

Les fonds cumulés par les entreprises au titre de la formation permanente au sein des "Instituts de Formation Continue" - dont les établissements d?enseignement supérieur sont d?ailleurs trop généralement absents - et les fonds récoltés au titre de la taxe d?apprentissage pourront contribuer à financer le droit de tous à la formation continue.

B) Dans les grandes écoles

Plusieurs des principes définis pour les universités serviront à fixer le cadre des réformes à mener dans les grandes écoles : elles continueront à être l?un des viviers privilégiés de l?élite technicienne. Leurs cursus seront rendus plus cohérents et mieux harmonisés avec ceux des universités, dans un modèle européen d?enseignement supérieur.

Leurs modes de recrutement seront revus et diversifiés. Elles feront une place beaucoup plus importante à la recherche. Enfin, elles cesseront d?avoir le monopole d?accès aux grands corps de l?Etat.

1. Les écoles d?ingénieurs

a) Les classes préparatoires

Leur maintien au sein des lycées n?aura plus de sens quand les universités auront obtenu les moyens budgétaires d?assurer l?enseignement en petits groupes de haut niveau recommandés plus haut. Les classes préparatoires seront alors, - et alors seulement -, intégrées avec leurs enseignants, au monde universitaire. Leurs cursus comporteront de plus quelques cours magistraux dispensés par des professeurs d?université.

b) Les concours d?accès

Ils doivent permettre d?évaluer non seulement la capacité des candidats à répondre à une question, mais aussi à poser la bonne question face à une situation donnée, à démontrer une capacité à créer et pas seulement à apprendre. Pour cela, ils comporteront progressivement une part accrue de contrôle continu, d?oraux et d?entretiens. Enfin, comme c?est déjà le cas pour certains concours, un candidat ayant reçu une note exceptionnelle dans une matière et une note très faible dans une autre ne devra pas pour autant se voir interdire l?accès à l?école qu?il mérite.

En outre, l?impératif de justice sociale impose d?assurer aux étudiants issus des formations technologiques (c?est-à-dire entrant après une formation technologique du secondaire dans des classes préparatoires particulières (PT, TSI) ou dans un cursus spécifique (DUT et BTS)) un accès beaucoup plus large aux grandes écoles d?ingénieurs et de commerce. Pour cela, des concours particuliers leur seront réservés.

Enfin, des admissions sur dossiers et sur entretiens permettront de recruter dans ces écoles des étudiants étrangers, en s?appuyant sur un système d?équivalences et éventuellement sur des jurys multinationaux, avec un objectif de réciprocité avec les grands établissements étrangers.

c) Les cursus

Toutes les grandes écoles - dont la scolarité dure en général trois ans après deux ans de classes préparatoires - conduiront leurs élèves au niveau de la licence en un an, et à celui de la Nouvelle Maîtrise au moment de la sortie de l?école.

Toutes les écoles et leurs cursus seront soumises à l?évaluation périodique de l?ASE en association avec la Commission du Titre d?Ingénieur.

Nul diplômé de grande école ne devra, de surcroît, achever ses études sans avoir eu un contact prolongé et fructueux avec les méthodes de la recherche scientifique.

Devront se développer des Nouvelles Maîtrises et des écoles doctorales communes à des universités et à des grandes écoles. Aucun diplôme de docteur ne devra pouvoir être délivré par une école sans avoir été défini dans le cadre d?un accord avec une université.

Enfin, toutes les écoles devront, comme les universités, chercher à nouer des alliances et des partenariats avec des universités étrangères afin de créer les conditions d?harmonisation de leurs cursus et d?aider là où c?est nécessaire à l?émergence d?une vision européenne de leurs champs disciplinaires.

d) L?Ecole Polytechnique

Sans chercher à détailler les réformes à entreprendre école par école, on s?arrêtera au cas particulier de l?École Polytechnique. Sa réforme rencontrera un écho très puissant et servira d?exemple aux autres écoles d?ingénieurs, en raison de l?excellence de son corps enseignant et de son recrutement.

La suppression du service militaire - qui libère une année d?étude et permet de faire passer la durée de la scolarité à trois ans - conduit à recommander d?y entreprendre une réforme radicale, selon les orientations suivantes :

* Le concours :

- Recrutement progressif d?une quarantaine d?élèves par trois concours spéciaux, l?un réservé aux filières PT et TSI, le second aux diplômés de l?université parvenus au terme du premier niveau universitaire et le troisième pour les titulaires du DUT.

- Création d?un concours spécial réservé aux élèves des classes biologie, chimie, physique, sciences de la terre (BCPST).

- Augmentation progressive du nombre des étudiants étrangers jusqu?à une centaine par promotion.

* Le cursus :

- La scolarité durera trois ans, auxquels s?ajouteront quelques mois de service civique, pris sur la durée de l?école d?application.

- Incitation pour les chercheurs de l?école à jouer un rôle plus systématique dans l?enseignement.

- Introduction dans la scolarité ainsi allongée d?un stage de six mois en laboratoire et d?un travail de recherche.

* Les débouchés :

- Dissociation du classement de sortie et du recrutement des grands corps techniques de l?Etat (qu?il faudra d?ailleurs regrouper en un seul grand corps d?"Ingénieurs publics", correspondant mieux aux réalités présentes du service public et aux besoins des collectivités territoriales).

- Développement et valorisation du diplôme de " Docteur de l?Ecole Polytechnique ", qui sera préparé dans les laboratoires de l?école, en accord avec une université, par des anciens élèves de l?école comme pour d?autres étudiants venus de l?université et titulaires de la Nouvelle maîtrise.

2. Les écoles de commerce

A l?exception des plus prestigieuses, dites du groupe I, (HEC, Essec, Ecole Supérieure de Commerce de Paris, et quelques autres) les écoles de commerce souffrent aujourd?hui de leur multiplication au cours des années 1980. Leur nombre est passé de 84 en 1980 à 292 en 1992 ; leurs étudiants sont passés de 15.000 à 60.000 (annexe 13). Bien que cette croissance ait en général été accompagnée du maintien de la qualité de l?enseignement dispensé, dans certaines d?entre elles, le nombre des candidats suffit à peine à remplir les places effectivement ouvertes.

Financées pour une bonne part par les droits de scolarité acquittés par leurs étudiants, les écoles les moins bien placées sont dans une situation parfois catastrophique. Aussi leur nombre a-t-il déjà été réduit à 230 et le nombre d?élèves à 47.000 (annexe 13), alors que les meilleures voient encore leurs nouveaux inscrits augmenter de 15 % par an.

Des efforts devront encore être conduits pour poursuivre la rationalisation de ces établissements ; des incitations devront les conduire à tisser des liens avec les universités qui les entourent et à se spécialiser dans des domaines de compétences particulières liées à leur environnement.

Pour atteindre un véritable niveau d?excellence internationale, ces écoles devront, mieux que ne le font certaines, s?assurer les services de véritables enseignants-chercheurs. Elles devront aussi réorienter leurs activités vers le soutien à l?innovation et à la création d?entreprises et et d?insérer dans des réseaux européens. Les meilleures d?entre elles s?y sont engagées et ont déjà plus de 10 % d?étrangers comme étudiants.

Les entreprises pourront, en outre, être incitées, par la voie fiscale, à mieux participer à leur financement.

3. L?École Nationale d?Administration

La mission de l?ENA restera de fournir à l?Etat des acteurs du changement, capables de travailler en équipe, au service de la politique définie par le gouvernement et décidée par le Parlement. Dans ce cadre, diverses réformes s?imposent pour accompagner la transformation radicale du rôle de l?Etat, qui commence.

a) Elargir et diversifier le recrutement de l?école, par la mise en place de centres de préparation régionaux, adossés aux universités et par un accès élargi ouvert aux élèves du cycle international.

b) Réduire les promotions actuelles, trop nombreuses au regard des besoins réels de l?Etat, d?un tiers en trois ans.

c) Professionnaliser l?enseignement et l?ouvrir à la recherche sur des sujets tels que le financement et la gestion des grands projets d?infrastructures, l?apprentissage de la conduite du changement, l?insertion sociale, etc.

d) Réorienter les postes de sortie, compte tenu de la saturation de plusieurs administrations centrales, vers des fonctions territoriales, et les champs de l?action publique qui seront après demain en pleine expansion (économie de la santé, urbanisme, environnement, recherche, emploi et solidarité, justice, intérieur). Une égalité de traitement à âge égal sera reconnue aux élèves venus du privé ou du monde associatif ou syndical pour continuer d?attirer des candidats de valeur.

4. Les études de médecine

Les études médicales et paramédicales seront selon les grandes orientations définies pour l?ensemble des formations universitaires, en tenant compte évidemment de leur spécificité.

Dans les trois premières années, les formations médicale et biologique seront regroupées en vue de la délivrance d?un nouveau diplôme de "licence biomédicale", destiné à l?ensemble des étudiants se destinant aux professions médicales et paramédicales (dentistes, pharmaciens, etc.) et à la recherche dans les sciences de la vie. Les plus déterminés à devenir médecins pourront, dès la scolarité de licence, avoir un contact avec la pratique clinique.

La formation médicale proprement dite ne commencera qu?en quatrième année, les règles du numerus clausus ne s?appliquant qu?à la fin de la licence, et non, comme c?est le cas aujourd?hui, à la fin de la première année.

Les études médicales proprement dites se décomposeront en deux phases : l?une de trois ans d?études, l?autre de deux ans (le "résidanat") consacrés plus spécialement à la pratique de la médecine et des autres activités de santé publique.

Des étudiants titulaires d?une licence ou d?une Nouvelle Maîtrise en sciences, recrutés sur dossier et sur entretien, pourront rejoindre le cursus des futurs médecins directement en quatrième année d?études médicales.

Le titre de docteur serait ainsi, comme dans les autres disciplines, délivré au bout de huit ans d?études. Une telle réforme devra devenir possible à l?échelle européenne.
 
 
 
 

C) Le rapprochement entre universités et grandes écoles

1. Un rapprochement de fait par les nouveaux cursus

La fixation à trois et cinq ou huit ans des principaux niveaux de l?enseignement supérieur et la possibilité laissée aux étudiants des grandes écoles de postuler aux nouveaux diplômes universitaires assureront, de façon très naturelle, un rapprochement de fait entre les deux systèmes.

2. Le recrutement de la haute fonction publique

C?est aussi par les débouchés que se rapprocheront les cursus des universités et des grandes écoles. Les grandes écoles ayant vocation à former les futurs membres de la haute administration de l?Etat, et notamment ceux des grands corps de contrôle administratif et juridictionnel (l?Ecole Polytechnique, pour les corps dits "techniques", et l?Ecole Nationale d?Administration, pour les autres corps), perdront le monopole de ces recrutements.

Les meilleurs étudiants de l?université, titulaires de la Nouvelle Maîtrise ou du doctorat, se verront ouvrir l?accès aux corps de la haute fonction publique. Les concours de recrutement de ces corps seront dissociés du classement de sortie de ces des deux écoles et seront faits par des jurys ad hoc, pour chaque corps, dans lesquels les membres du corps concerné ne pourront en aucun cas être majoritaires. Ces jurys serviront à comparer les mérites des élèves sorties des écoles et des universités.

3. Des campus d?enseignement supérieur

Pour étendre très rapidement les échanges entre universités et grandes écoles, il conviendra de mêler leurs promotions, de rendre certains cours accessibles indifféremment aux étudiants des unes et des autres, d?organiser la mobilité des enseignants entre les deux formes d?enseignement supérieur et de mettre en commun des moyens scientifiques et techniques sur des campus regroupant des universités et des écoles géographiquement voisines.

a) Les élèves

Un même étudiant devra pouvoir, au sein d?un même cursus, effectuer des va-et-vient entre universités et écoles, et suivre des enseignements dans les deux types d?établissements, indépendamment de la nature de l?établissement dans lequel il est lui-même inscrit. Des diplômes doubles devront être mis en place, associant explicitement une université et une grande école dans leur délivrance.

b) Les enseignants

Les enseignants, indépendamment de l?établissement auquel ils sont administrativement rattachés, devront pouvoir enseigner dans tous les établissements d?un campus regroupant des universités et des écoles.

c) Les équipements

Des procédures de mise en commun de ressources pourront être conçues et mises en ?uvre, en particulier pour les grands équipements de recherche, les réseaux multimédias, les restaurants et les logements.

d) Les créations d?entreprises

Pour favoriser l?éclosion d?entreprises liées à des laboratoires de recherche universitaires et à des écoles, on mettra en place des fonds de capital risque et des bourses d?entreprises, communs à des universités et des grandes écoles sur un même campus.

e) Des campus d?enseignement supérieur

On instaurera, pour tous les établissements d?enseignement supérieur d?une ville ou d?une région, une obligation de travailler ensemble, dans le cadre d?accords donnant naissance à des "campus d?enseignement supérieur", qui pourront aussi participer à des PUP. Pourront être ainsi mis en commun des locaux, laboratoires, moyens de vie sociale (logement, transport, bibliothèque, restaurant).

Pour cela on rassemblera l?ensemble des institutions concernées d?un même campus en une autorité fédérative unique, à la manière des communautés urbaines. Autour de cet ensemble pourrait s?épanouir des entreprises nées de la recherche appliquée.

Des campus seront ainsi constitués à Lyon, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Lille, Rennes où voisinent des écoles et des universités et où se trouvent concentrés des moyens d?enseignement, de recherche et de développement industriel.

Un campus sera installé sur le plateau de Saclay, par la mise en commun des moyens de l?École Polytechnique, des universités d?Orsay, d?HEC, de Supélec, de l?Ecole Centrale et des nombreux organismes de recherche présents dans ce périmètre.

Un pôle du même ordre pourra être organisé, dans le domaine de l?urbanisme, à l?Est de Paris, avec l?Ecole nationale des Ponts et Chaussées, l?université de Marne-la-Vallée.

Un ou des pôles d?excellence seront maintenus dans Paris intra muros  par exemple en fédérant l?Ecole Normale Supérieure avec les grandes écoles scientifiques et les laboratoires de la Montagne Sainte Geneviève en un pôle de recherche et d?enseignement de la physico-chimie du vivant, et un réseau spécialisé en sciences économiques et sociales.

f) La gestion et le suivi des anciens élèves

On mettra en commun les moyens de suivre les carrières et la formation en permanence des anciens élèves des universités et des écoles. Cela passera par la création d?associations d?anciens élèves, dont la force dépendra des efforts qui auront pu être faits pour que ces campus deviennent des lieux de vie attrayants, pour les élèves et leurs anciens.
 
 
 
 

D) Le coût des réformes

Ces réformes ne pourront évidemment être réalisées à budget constant. En particulier, l?allongement à trois ans du premier niveau d?enseignement supérieur et la généralisation du travail en groupes à effectifs réduits seront coûteux. Leur impact budgétaire sera, cependant moins élevé a priori qu?il ne semble, pour trois raisons :

- les classes d?âge accédant à l?enseignement supérieur vont se réduire;

- la durée réelle des études de DEUG (que ces études débouchent ou non sur l?obtention effective du diplôme) est, pour la majorité des étudiants, d?ores et déjà voisine de trois ans ;.

- la mise en commun, dans une même province ou un même campus, de moyens aujourd?hui dispersés entre plusieurs établissements réduira significativement les coûts.

D?autres réformes, non examinées en détail, ici pourront se révéler fort coûteuses, en particulier celles visant à la réduction significative des inégalités qu?entretient aujourd?hui le système d?enseignement supérieur : la mise en place d?un "plan social de l?étudiant", des mesures portant sur les bourses, le cadre de vie, le logement, le transport ou la comptabilisation dans le calcul de la retraite des années d?études accomplies au-delà de l?obtention de la Nouvelle Maîtrise.

Au total, l?enseignement supérieur français ne conservera une place de premier rang dans la compétition mondiale que si la nation y consacre des moyens croissants et mieux employés, à travers le budget de l?Etat, celui des collectivités territoriales et les entreprises. C?est la condition première du maintien du niveau de développement du pays.

A cette fin, il faudra favoriser, par toutes les mesures fiscales, législatives et réglementaires appropriées, les financements privés, de l?enseignement supérieur sans menacer en rien l?indépendance des universités et leur mission de service public. En particulier des entreprises devront être incitées à financer des bourses, des bibliothèques, des laboratoires, voire des cycles de formation, initiale autant que continue, dans des écoles et des universités.

On incitera les collectivités territoriales, et au premier rang d?entre elles les régions, à financer les établissements d?enseignement supérieur, sans remettre en cause le caractère national de leurs diplômes.
 
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